Conférence – Leçon des Anciens de l’IHEI
15 juillet 2023
Conférence – Leçon des Anciens de l’IHEI
15 juillet 2023

Témoignage : Sarah SAMEUR avocate membre de l’Alliance des Avocats pour les Droits de l’Homme

Publié le 1er aout 2023

"Je ne me sens pas pleinement citoyenne si je ne participe pas, même à une échelle minime, à de l’assistance juridique gratuite. Je pense que c’est le rôle de tout avocat et cela permet d'être en accord avec mes valeurs."

Sarah Sameur

Propos recueillis par Elisa Pothée pour l'AADH le Vendredi 28 juillet 2023.

 

Associée fondatrice du cabinet DEMAIN Avocat, Maître Sarah Sameur a prêté serment en 2019.

Outre le financement de projets et les droits humains dans les transactions commerciales, son attachement aux libertés fondamentales la pousse aussi à exercer en droit des étrangers et droit d’asile. Retour sur le dossier qui l'a le plus marquée depuis son entrée à l'Alliance. L’Alliance des Avocats pour les Droits de l’Homme - première plateforme de pro bono en France - fédère depuis 2009 des avocats dans le monde entier pour aider les associations et les ONG. L’Alliance assure la représentation en justice d’associations et/ou de personnes victimes de violations de leurs droits fondamentaux.

 

Elisa Pothée : Qui es-tu ? Depuis combien de temps exerces-tu ?

Sarah Sameur : Je suis Sarah Sameur, associée fondatrice du cabinet DEMAIN Avocat depuis janvier 2023. J’ai prêté serment devant la Cour d’Appel de Paris en 2019. J’exerce dans un cabinet que j’aime à qualifier de « boutique juridique à taille humaine » voulant créer un pont entre le droit des affaires et les droits humains. Mes deux pôles de compétences sont le financement de projets à impact et les droits humains. J’exerce aussi en droit des étrangers et droit d’asile parce que je suis attachée aux libertés fondamentales.

 

E.P. : Comment as-tu connu l’Alliance ? Depuis combien de temps es-tu membre ?

S.S. : J’ai connu l’Alliance par le biais d’un podcast diffusé sur LinkedIn sur la Plateforme des droits de l’Homme. Je suis membre de l’association depuis fin 2021, soit depuis un an et demi.

 

E.P. : Quel type de dossiers traites-tu principalement ?

S.S. : Je traite principalement des dossiers concernant des mineurs non-accompagnés et les dossiers de demandeurs d’asile.

 

E.P. : Peux-tu nous raconter un dossier qui t’a marquée ?

S.S. : Le dossier qui m’a le plus marquée est le dernier dossier que j’ai traité avec l’Alliance. Il s’agissait de l’accompagnement d’une jeune malienne ayant fui son pays à 14 ans, avec son cousin. La jeune fille avait subi des mutilations génitales et craignait un mariage forcé en cas de retour dans son pays d’origine.


Ce qui était compliqué dans son parcours, c’est qu’elle n’a pas fait sa demande d’asile dans les six mois suivant son arrivée sur le territoire, mais a été « recueillie » par un membre de sa famille, qui la traitait très mal.

Elle s’est toutefois inscrite au lycée, ce qui lui a permis de rencontrer les membres d’une association qui l’ont orientée vers la demande d’asile. Il fallait donc l’accompagner pour rédiger le récit de sa vie et la représenter devant l’OFPRA.

Ce qui me semble capital dans le rôle de l’avocat lors de la préparation d’une demande d’asile, c’est d’abord d’aider le demandeur à faire un récit de vie circonstancié pour pouvoir être crédible auprès de l’officier de protection. Il faut donc expliquer à son client qu’il doit donner des détails très précis sur les persécutions subies, sur l’environnement familial, social, économique et obtenir un narratif cohérent pour que l’agent comprenne et voie le lien de cause à effet entre la menace grave et l’explication fournie.

Par ailleurs, mon rôle est d’aider l’administrateur ad hoc, l’association sollicitante et le demandeur d’asile à "enrichir" le dossier.
À titre d’exemple, la production de certificats médicaux me paraissait nécessaire afin d’appuyer son récit de vie. De même, elle subissait des pressions de sa famille via WhatsApp pour la forcer à se marier, j’ai donc fourni des captures d’écran anonymisées de ces conversations.

Ses parents, ne voulant plus entendre parler d’elle, avaient donné une délégation d’autorité parentale à la personne qui l’hébergeait en France. Là encore, j’ai estimé qu’il s’agissait d’une donnée importante qu’il fallait porter à la connaissance de l’OFPRA pour illustrer la gravité de son parcours.

J’ai de surcroît assisté la jeune fille dans la production des documents attestant de son inscription et de son assiduité à l’école, afin de démontrer sa volonté de s’établir sur le territoire français de manière pérenne.

Mon rôle durant l’entretien est surtout de faire des observations devant l’officier de l’OFPRA pour souligner des informations qu’il n’a pas nécessairement relevées. À titre d’exemple sur ce dossier il était intéressant de comprendre que certes, la jeune fille était convoquée quatre jours après sa majorité, mais c'est en tant que mineure qu'elle avait traversé toutes ses épreuves. J’ai donc souligné cet élément de vulnérabilité auprès de l’officier de protection.

Enfin, le rôle de l’avocat selon moi consiste à qualifier juridiquement les faits et le récit. Je qualifie donc, dans mes observations, au visa de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et des textes applicables en matière d'asile. Je rappelle en quelques phrases le fondement sur lequel est formulé la demande d’asile. Cela implique d’effectuer des recherches afin d’avoir des données précises et chiffrées sur la menace grave subie par notre client.

A ma plus grande satisfaction, le statut de réfugié a finalement été octroyé à cette jeune fille.

 

E.P. : Pourquoi travailles-tu sur ces dossiers ?

S.S. : Ce sont des dossiers touchants. Je fais preuve d’empathie, tout en gardant de la distance avec mes clients pour les conseiller au mieux. Mon empathie n’enlève rien à mon objectivité mais je tente toujours de créer un lien de confiance avec eux. Ainsi, je leur montre qu’ils peuvent être parfaitement transparents, que je ne les jugerai pas et que je les crois.

 

E.P. : Pourquoi fais-tu du pro bono ?

S.S. : Je fais du pro bono parce que je suis investie, de manière bénévole et citoyenne, depuis mes 18 ans dans diverses associations et ONG. Pour moi, l’engagement citoyen est un socle fondamental dans ma vie quotidienne. Si je peux mettre à profit mes connaissances techniques et juridiques pour défendre des personnes vulnérables qui n’ont ni les outils, ni les moyens de se défendre, c’est une victoire.

 

E.P. : Que t'apporte l'AADH dans le pro bono ?

S.S. : L’AADH m’apporte du soutien et de l’orientation. L’AADH me permet également d’avoir accès à de nouvelles connaissances et des formations. Lorsque j’ai des questions, je peux vous contacter et obtenir des réponses rapidement.

L’AADH m’a permis de faire des rencontres humaines fabuleuses, j’ai même l’impression de faire partie d’une famille. C’est agréable d’échanger avec des personnes avec lesquelles tu partages des valeurs fortes et qui portent les mêmes combats.

E.P. : Recommanderais-tu à des confrères et consœurs de participer au programme Enfance Précarité Zéro ?

S.S. : Oui, sans hésitation. C’est enrichissant humainement, on apprend beaucoup autant sur la résilience dont les mineurs peuvent faire preuve, que sur nous et notre capacité à prendre du recul, à rester objectif et pouvoir porter une parole.

 

AADH - Newsletter Juillet 2023

Les dernières publications du cabinet.